Taxe foncière et usufruit : ce que vous devez savoir avant de signer (ou d’hériter)
Je me souviens très précisément du jour où j’ai reçu mon premier avis de taxe foncière en tant qu’usufruitier. C’était en 2014. Le bien appartenait à ma mère, décédée l’année précédente. Je l’occupais à titre gratuit, en accord avec mes frères et sœurs qui avaient hérité de la nue-propriété. Et puis, une enveloppe beige de la Direction Générale des Finances Publiques. Montant : 1 842 euros.
J’avais cru qu’on paierait ça ensemble. Erreur. À partir du moment où vous êtes usufruitier, vous êtes aussi fiscalement redevable. Point. Pas d’émotion. Pas de partage. Juste la loi. Et si je l’avais su avant… j’aurais anticipé bien des choses.

Démembrement, usufruit, nue-propriété : ce que ça implique concrètement
Le démembrement de propriété consiste à séparer deux droits : l’usage (usufruit) et la propriété nue (nue-propriété).
C’est fréquent en cas de donation ou de succession. Un parent donne la nue-propriété à ses enfants tout en conservant l’usufruit. Ou bien, lors d’un décès, le conjoint survivant obtient l’usufruit du logement familial.
Mais voilà : qui utilise, entretient ou loue le bien… paie.
Ce que je n’avais pas anticipé ? Que cette règle s’applique aussi aux impôts. Et qu’elle ne laisse que très peu de place à l’interprétation.
Qui paie quoi ? Voici ce que dit (vraiment) la loi
L’usufruitier est redevable : explication de l’article 1400 du CGI
La règle est inscrite noir sur blanc dans le Code général des impôts. L’article 1400 précise que la taxe foncière est due par la personne qui dispose de la jouissance du bien. Autrement dit : l’usufruitier.
Donc même si le bien est « à vos enfants » sur le papier, c’est vous qui recevez l’avis d’imposition. Vous qui réglez. Vous qui assumez.
Le nu-propriétaire peut payer… dans des cas très précis
Oui, il est techniquement possible de prévoir une répartition différente. Mais cela suppose une convention claire et expresse, souvent notariée.
Et même dans ce cas, l’administration fiscale continuera d’adresser la taxe à l’usufruitier. Ce sera à vous de vous arranger ensuite entre parties.
Je l’ai vu avec des clients mal informés. Des familles qui se déchirent pour une taxe de 600 euros. Des frères qui ne se parlent plus. Parce que ce n’était pas clair.

Et dans une succession ? Tout dépend du timing (et de la clarté du dossier)
Démembrement dans une succession en cours
Si la succession n’est pas encore réglée, l’usufruitier est redevable de la taxe foncière. Et même si vous êtes encore « en indivision », c’est celui qui jouit du bien qui paie.
En indivision : un piège fiscal courant
La gestion de la taxe foncière en indivision est souvent chaotique. On croit que tout le monde paie à parts égales, mais en réalité, la taxe est d’abord appelée au nom d’un seul co-indivisaire. Et devinez quoi ? C’est souvent le plus conciliant qui se fait avoir.
En cas de décès de l’usufruitier : retour automatique ? Pas toujours
Lorsque l’usufruit s’éteint, la pleine propriété revient au nu-propriétaire. Mais encore faut-il que cela soit enregistré. Car le fisc, lui, n’anticipe rien. Et continue d’adresser les avis à l’ancien usufruitier… parfois pendant plusieurs mois.
Les exonérations : ce que vous pouvez (parfois) éviter
Certaines situations donnent droit à une exonération totale ou partielle de taxe foncière. Mais il faut en connaître les conditions et surtout… en faire la demande à temps.
- Vous avez plus de 75 ans ?
- Vos revenus sont modestes (RFR sous les plafonds) ?
- Le bien est votre résidence principale ?
Alors peut-être. Mais chaque cas est spécifique. Et l’erreur la plus fréquente ? Penser que l’exonération est automatique.
Spoiler : elle ne l’est jamais.

Ce que je fais désormais avant tout démembrement
Après cette première expérience (et ses centaines d’euros d’impôts payés dans l’incompréhension), j’ai mis en place un protocole simple mais strict :
- Vérification des clauses fiscales avec le notaire
- Prévision du coût de la taxe foncière sur plusieurs années
- Simulateur partagé avec les autres co-propriétaires
- Document clair signé par chaque partie sur la répartition envisagée
Je le fais pour moi, mais aussi pour mes clients. Et croyez-moi, les conflits qu’on évite valent largement les quelques heures de travail en amont.
Pour qui le démembrement est une stratégie… et pour qui c’est une fausse bonne idée
Le démembrement de propriété est un outil redoutable quand il est bien compris et bien accompagné. Mais pour beaucoup de particuliers mal conseillés, c’est une bombe à retardement fiscale.
- C’est utile pour transmettre un bien sans droits de succession excessifs
- C’est risqué dans les familles en tension ou sans gouvernance claire
- C’est à éviter quand l’usufruitier est isolé ou en difficulté financière
Comme toujours : l’outil ne vaut que par la stratégie qui l’entoure.
Conclusion : éviter l’ignorance fiscale, c’est préserver son patrimoine
J’ai vu trop de gens surpris, voire endettés, parce qu’ils ne savaient pas. La taxe foncière, ce n’est pas une formalité. C’est un marqueur de responsabilité.
Alors si vous héritez, si vous donnez, si vous achetez en nue-propriété : posez les bonnes questions.
Et si vous doutez, je mets à disposition un guide simple pour faire le point sur votre situation. Il suffit de me le demander.
Parce qu’on ne transmet pas ce qu’on ne comprend pas.
Parce que la clarté patrimoniale, ça commence par là.
FAQ — Réponses express aux questions qui reviennent souvent
- Qui est propriétaire en cas d’usufruit ?
- Le nu-propriétaire détient le bien, mais l’usufruitier en a la jouissance exclusive.
- Qui figure sur l’avis de taxe foncière ?
- L’usufruitier, sauf cas spécifique et clause contraire.
- L’usufruitier peut-il refuser de payer ?
- Non. Sauf convention précise ou arrangement validé auprès du fisc.
- Et si la taxe arrive chez le nu-propriétaire ?
- Il doit la transmettre à l’usufruitier. Ce dernier reste le redevable légal.




